L’Émancipation par l’Accompagnement : notre dispositif expérimental envers les Femmes Migrantes
8 mars 2024, en cette journée internationale des droits des femmes, nous souhaitons mettre en lumière le rôle crucial des Centres Esther Carpentier et Henri Vincent dans la réinsertion sociale des femmes migrantes. Face aux défis uniques que ces femmes font face, en particulier celles qui ont immigré vers de nouveaux horizons, les centres ont mis en place le Dispositif Accompagnement des Femmes Migrantes (AFM) en 2022.
La Réalité Migratoire des femmes
En 2022, les femmes représentent 51 % de la population migrante (France portrait social, Insee Références Edition 2023) et leur parcours migratoire est souvent traumatisant. À leur arrivée en France, elles sont confrontées à une vulnérabilité accrue : préjugés, pratiques racistes, xénophobies et autres violences post-immigration en tant qu’étrangères.
Les Centres Esther Carpentier et Henri Vincent ont pris l’initiative de répondre à ces défis spécifiques avec une équipe mobile qui intervient au sein de nos structures d’hébergement.
Le Dispositif AFM : Un dispositif Aller Vers
Le Dispositif AFM, lancé en octobre 2022, adopte une approche proactive en étant un dispositif mobile. L’objectif est d’aller au plus près du public cible, levant ainsi un maximum de freins à la mobilité. Ce dispositif intervient dans les départements de l’Aisne et de l’Oise, offrant un accompagnement psychologique et/ou socio-éducatif aux femmes migrantes majeures en situation régulière, ayant vécu des traumatismes.
Objectifs et missions du Dispositif
Il s’adresse aux femmes majeures ayant eu un parcours migratoire au cours de leur vie, en situation régulière (BPI, titre de séjour, visa…) et ayant vécu un/des psycho traumatismes. Le public nous est orienté par divers professionnels et/ou bénévoles (internes et externes à la Fondation), via une fiche de liaison qui nous est adressée par mail. Le Dispositif AFM vise donc en finalité à être une porte d’entrée vers une prise en charge psychologique et à favoriser les liens sociaux pour rompre l’isolement. Angélique Michel, Directrice Centre Henri Vincent.
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Transformer des Vies et Créer des Opportunités d’Émancipation
Dans les centres, chaque femme migrante est accueillie avec bienveillance et respect. Les temps d’accueil, d’écoute et d’information sont privilégiés pour instaurer un environnement propice à l’émancipation.
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Favoriser les Liens Sociaux
Célébrant la diversité des parcours de vie, les centres créent une communauté riche culturellement et humainement. Cette diversité renforce les liens sociaux et contribue à rompre l’isolement.
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Programmes Personnalisés
Le dispositif offre des programmes sur mesure en évaluant les besoins psychologiques et socio-éducatifs des femmes migrantes, réalisée en binôme lors du premier entretien. En fonction des besoins identifiés, la psychologue peut proposer un suivi psychologique, des groupes thérapeutiques et de parole.
Par ailleurs, le travailleur social peut également proposer des entretiens individuels, et des activités individuelles ou collectives. Nous informons les personnes suivies des différentes associations et structures de proximité et pouvons les orienter vers les professionnels et structures adaptés selon leurs besoins.
Ces programmes visent à restaurer la confiance en soi et à promouvoir l’indépendance.
Défis Rencontrés et Stratégies Adoptées
De manière générale, le public féminin ayant vécu un parcours migratoire et un/des psychotraumatismes, en situation régulière sur le territoire français est un public difficile d’accès pour notre dispositif. En effet, le public est souvent inséré dans le droit commun : logement autonome, en emploi ou en formation etc. D’autres partenaires ont également observé cette difficulté à sensibiliser ce public.
Par ailleurs, il peut être difficile d’appréhender un public ayant vécu un psychotraumatisme car les différents partenaires qui nous orientent ce public n’ont pas forcément connaissance des divers éléments de vie et donc des événements potentiellement traumatiques vécus par la personne. De plus, les manifestations et la temporalité de la symptomatologie d’un psychotraumatisme sont variées et l’évaluation des partenaires quant à un potentiel traumatisme est subjective à chacun. Certains professionnels peuvent être plus sensibilisés à cela et plus généralement à la santé mentale que d’autres.
Le dispositif se veut être un moyen pour déconstruire certaines représentations concernant la santé mentale, qui peuvent constituer un frein pour une prise en charge. En effet, plusieurs paramètres personnels (âge, personnalité, etc.) peuvent influer sur la prise en charge psychologique. Par exemple pour notre public, c’est notamment le cas de la culture : certaines personnes peuvent avoir des réticences à propos de la santé mentale et la souffrance psychique et donc ne pas concevoir consulter un psychologue par exemple.
Pour atteindre ce public, le dispositif adopte des actions moins conventionnelles, telles que des visites à domicile et des activités comme la cuisine et le bien-être. Cette approche désacralise le côté psychologique du dispositif, favorisant ainsi une relation de confiance avec un public qui ne se serait pas nécessairement tourné vers une approche plus classique.
En conclusion, le Dispositif AFM émerge comme un moyen novateur de répondre aux besoins spécifiques des femmes migrantes, favorisant leur émancipation et leur réintégration sociale. En ce 8 mars, rappelons l’importance de créer un monde où chaque femme, indépendamment de son origine, peut vivre librement, en sécurité, et avec dignité.